Edith Piaf, icône inoubliable de la chanson française, petite dame à l'immense talent, était une artiste à la vie mouvementée. Son histoire fut une succession de victoires et de coups du sorts, d'échecs et de réussites arrachées avec douleur. Piaf a vécu intensément, plus que son corps ne pouvait lui permettre. Par ses excès et ses idéaux, la petite dame en noir aurait pu être une star du rock. Cette chanteuse élevée par des prostituées et un père acrobate incarne donc le dévouement à l'art et à l'amour. Un petit bout de femme qui avait son caractère, pas une diva, mais presque.
Edith Piaf méritait un film fort, aussi passionné et tourmenté qu'elle. Olivier Dahan l'a fait. La Môme est à la hauteur de son artiste. Si elle n'était pas très grande par la taille, Piaf l'était par le talent. Et Dahan ne s'est pas facilité la tâche. Il aurait pu livrer un biopic académique tel Truman Capote ou Aviator. Mais le réalisateur a tenté beaucoup plus. Avec un récit en apparence destructuré, il s'attarde sur des moments, des périodes, des faits marquants de la vie de Piaf, son enfance, ses débuts, ses échecs, ses deuils, ses points faibles, la maladie, l'amour.
Enfant fragile, Piaf deviendra une jeune femme qui cache ses faiblesses sous une gouaillerie vulgaire mais touchante. La femme sera toujours sincère, sans faux-semblants, entière et passionnée. Mais le corps, toujours fragile, ne lui pardonnera pas les excès de drogues et d'alcool.
Et puis, à côté de cette femme sincère, on découvre la machine Piaf, ses trucs appris par RaymondA, la petite robe noir, les chansons écrites par d'autres, mais qui semblait sortir de son coeur. La Piaf comédienne, qui s'appropriait les textes comme personne.
Olivier Dahan s'attarde beaucoup sur les tourments de l'artiste, et lui offre une mise en scène éblouissante, des plans superbes, et des transitions simples, mais surprenantes d'inventivité. Piaf est partout. Quand elle ne chante pas, les airs de ses chansons, toujours choisies avec justesse, survolent certaines scènes. La foule, l'hymne à l'amour, Padam, les plus grands succès de la chanteuse embarquent le spectateur et ne le lachent qu'à la toute fin, sur une note finale qui donne le frisson.
Incarner un personnage célèbre, et doté d'une forte personnalité, est un challenge pour les acteurs. Et dans les réussites, on assiste à une transformation du comédien, qui se fond dans le personnage jusqu' à disparaître. Philip Seymour Hoffman dans Truman Capote, Will Smith dans Ali, Joaquin Phoenix dans Walk the line, entre autres, ont réussi la transition. Marion Cotillard savait à qui elle s'attaquait... et a tout bonnement disparu. Il ne reste rien de la fille sexy de Taxi, ou de la Tina Lombardi d' un long dimanche de fiancailles. Le rôle de sa vie sûrement, la permorfance est remarquable.
Elle est soutenu par une galerie de seconds rôles impressionantes. De Gérard Depardieu à Sylvie Testud en passant par Pascal Greggory, de grands acteurs dans de petits rôles, qui forment une trame solide pour épauler l'interprétation de Cotillard.
Un petit aparté. Dans la salle, on était un samedi matin, beaucoup de personnes âgées. Derrière moi, il y avait un couple, qui devait avoir entre 70 et 80 ans. Monsieur a fini par s'endormir, et commençait même à ronfler. Madame le réveillait à coups de coudes, et de "héééé" très discrets. Elle, par contre, n'a pas fermé l'oeil. La preuve, j'entendais parfois un drôle de petit écho lorsque les classiques de Piaf résonnait. La petite mamie dérrière moi chantait. J'ai trouvé ça extrèmement touchant.
La Môme est un film pour tous, de 7 à 117 ans. Pour ceux qui aiment Piaf, et pour ceux qui n'aiment pas.